Sculpteur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Igor

 

Die Frauenrechtlerin (la lutteuse pour les droits des femmes)


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En automne 2009, j'ai fait un séjour dans une résidence d'artiste près de Borba, en Alentejo, au Sud du Portugal. J'avais trouvée une belle pierre de marbre en forme triangulaire dans une carrière abandonnée, que je sculptais ces jours-là à l'air libre dans un paysage ondulé, couvert de chênes-lièges. Les températures encore estivales entrecoupées de brises d'air raffraîchissantes, la tranquilité de la campagne et les vues lointaines offertes par le soleil automnal faisaient me sentir seul au monde avec ma pierre, et maître de son destin et du mien. En avançant dans le travail, les colines qui m'entouraient ont commencé à se réfléter dans la pierre, suggérant l'idée d'un corps de femme enceinte.

Cela faisait sens pour moi, parce que les collines qui ont inspiré les premiers éléments formels de ma sculpture cachent effectivement une richesse invisible en leur ventre : le marbre. Les nombreuses carrières, dont la plupart sont aujourd'hui abandonnées en dépit de la bonne qualité du produit, couvrent le paysage comme des blessures et rompent son harmonie. Autour des précipices creusés profondément dans le sol, se dressent d'énormes entassements de blocs de marbre, que l'on voit de loin. On pourrait considérer ces témoins de l'activité humaine comme un gâchis du paysage. Je ne les vois pas comme tel. Le paysage naturel de cette région a été produit entièrement par l'activité humaine : l'exploitation des chênes-lièges et l'élevage porcin ont créé un écosystème fait par l'homme qui a fait ses preuves depuis des siècles. Les ruptures violentes des carrières dans la douceur du paysage ondulé m'inspirent.

Le beau, est-il harmonieux? L'harmonie, est-elle exempte de ruptures? Et enfin, est-elle intéressante, la beauté? Je n'ai pas de réponses certaines à ces questions, mais je me les pose souvent. En l'occurence, j'avais envie de contrecarrer les formes douces de ma sculpture. Comme pour le paysage, j'avais l'impression que les ruptures pourraient conférer une profondeur aux formes "paisibles", les expliquer, en quelque sorte : les carrières, témoins explicites de l'intervention humaine dans le paysage, dévoilent le caractère artificiel du paysage "naturel", autrement peu visible. Dans ma sculpture, les creux au niveau du pied et du derrière de la femme ont le caractère de signes (doigts du pied, fesse) plutôt que de représentations réalistes. Elles contrastent avec le devant de la femme, sculpté de manière plus réaliste, et en révèlent l'artificialité, à l'image des carrières de marbre dans le paysage naturel. De formes en associations d'idées, le titre "Die Frauenrechtlerin" (la lutteuse pour les droits de femme) s'est imposé à moi.

Porto, novembre 2009