Sculpteur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Igor

 

Tête de barrosão


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J‘ai réalisé cette sculpture en été 2008 dans la Serra do Gerês en Portugal, dans une région montagneuse que ses habitants appellent «Terra de Barrosão». C‘est une terre inhospitalière et aride qui ne permet que l‘élevage de bêtes : des vaches dans les vallées les plus fertiles, des chèvres sur les flancs rocheux et dénudés des montagnes. Les agriculteurs disent aussi «Terra fria» («Terre froide»), pour distinger ces terres de celles à plus basse altitude où poussent les cultures, la «Terre chaude» («Terra quente»). Le nom du département, «Tras-os-Montes» («Derrière-les-montagnes»), témoigne de l‘éloignement de toute cette région, qui était jadis une des plus difficilement accessibles et des plus pauvres du Portugal.

Le paysage de la Serra do Gerês est marqué par des étranges entassements de blocs rocheux, que l‘érosion et le vent ont sculptés dans le sous-sol granitique, le plus souvent exempt de couverture végétale protectrice. La roche qui affleure un peu partout est pourtant trop friable pour être sculptée par l‘homme. Pour trouver des pierres à sculpter, il faut descendre dans les vallées des torrents, où l‘eau procède à une selection naturelle des pierres plus compactes et plus lourdes.

Faire une sculpture dans la «Terra de Barrosão» revient donc à collaborer étroitement avec la nature, comme le font les habitants de cette région depuis des millénaires. J‘ai trouvé la pierre pour ma sculpture après avoir remonté un lit de rivière pendant des heures, en cherchant une forme et des couleurs inspirantes. Réaliser la sculpture n‘était finalement que relever ce que la pierre cachait déjà en elle. A beaucoup d‘endroits, je ne l‘ai même pas touché avec le burin. Je n‘ai pas non plus cherché à faire une tête de bête (si cela y resssemble): c‘est ce qui est ressorti en travaillant.

Le matin, à l‘heure où je commençais ma journée de sculpteur dans le jardin d‘une maison louée pour l'été au milieu d‘un village perdu dans les montagnes, les bergers sortaient leur troupeaux de vaches et de chèvres pour les amener aux pâturages. L‘effort quotidien pour «organiser» la nature et en tirer les produits qui les font vivre faisait me sentir solidaire avec ces hommes et ces femmes aux visages marqués par l‘intempérie. J‘avais l‘impression qu‘en travaillant ma sculpture, j‘étais moi aussi proche de l‘origine de quelque chose, d‘un lien intime et profond avec la terre qui doit exercer son influence partout, même là où la civilisation semble envelopper l‘homme d‘une couche épaisse pour le protéger de des aléas de la nature.

Lausanne, novembre 2008